Du vert dans le grand bleu : ces solutions durables inspirées de la mer

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De la production d’hydrogène au remplacement du plastique, le pouvoir de la mer inspire la nouvelle génération d’innovations vertes.


Notre planète, ses mécanismes naturels et les créatures qui la peuplent constituent depuis longtemps une source d’inspiration inépuisable pour les scientifiques en quête d'innovation verte au service d’une économie durable. Aujourd’hui, l’attention se porte plus particulièrement sur ce qui couvre trois quarts de notre Terre : les mers et les océans.

Ces dernières années, les nouvelles muses des chercheurs se sont faites aquatiques : qu’il s’agisse de produire de l'hydrogène, de trouver des alternatives au plastique dans la vie quotidienne, ou de mettre au point des matériaux de construction plus résilients, scientifiques, startups et industriels se tournent vers la mer pour donner vie à une nouvelle génération d'innovations vertes.

Production d'hydrogène

Lorsqu’ils sont produits à partir de sources renouvelables, hydrogène et méthane peuvent à leur tour se targuer d’être des sources de carburant propres. Hélas, cela n’est pas le cas pour 96% de l’hydrogène mondial et la presque totalité du méthane. Plusieurs solutions inspirées de la mer pourraient venir inverser cette tendance :

  • Des chercheurs australiens et chinois ont mis au point une plateforme haute performance capable de produire de l'hydrogène en alliant eau de mer et rayons de soleil. Grâce à un catalyseur au platine mono-atome, l'Ocean-H2-Rig est en mesure de flotter sur les océans et d’utiliser l'énergie solaire pour diviser l'eau en hydrogène et oxygène. Une opération à faible coût mais à haut rendement, qui a l’avantage d’émettre de l'oxygène plutôt que des gaz à effet de serre.
  • Les microalgues ont également fait leur entrée parmi les candidats sérieux à la production d'hydrogène vert. Ces dernières absorbent de grandes quantités de CO2 et se développent rapidement, sur des surfaces potentiellement peu propices à l'agriculture. Le secret : un processus de gazéification par pyrolyse flash (RFV, “reactive flash volatilization”), une réaction qui repose sur l'oxygène et la vapeur pour convertir la biomasse en gaz, ensuite transformés en hydrogène. Selon les experts, l'hydrogène ainsi produit serait entre 36% et 87% plus propre que celui issu des pratiques les plus vertes à ce jour.

Remplacer le plastique

Nous produisons, consommons et jetons des quantités monumentales de plastique – quelque 300 millions de tonnes par an, dont la moitié sont des plastiques à usage unique. Ce plastique met non seulement plusieurs centaines d'années à se biodégrader, mais une grande partie finit dans l'océan et intègre ainsi la chaîne alimentaire. Il est donc tout naturel que les scientifiques se tournent désormais vers la mer pour trouver des alternatives :

  • On a longtemps considéré les bioplastiques produits à partir d'amidon et de matériaux similaires comme les meilleurs remplaçants aux plastiques d’origine fossile. Mais dans les pays où l’eau manque, utiliser cette ressource précieuse pour produire des bioplastiques peut s’avérer problématique. C’est cette raison qui a poussé des chercheurs israéliens à mettre au point une manière de produire des polymères dégradables semblables au plastique grâce à des organismes marins qui se nourrissent d’algues.
  • De son côté, la start-up londonienne Notpla est parvenue à créer un film d’emballage à partir d'algues biodégradables : l'entreprise sèche les algues, les réduit en poudre, puis applique sa méthode secrète pour les transformer en un fluide collant qui, une fois séché à son tour, s’apparente à du plastique ; à cette différence près que la substance obtenue se décompose en quatre à six semaines – et est même comestible !
  • La société américaine Loliware s'est également tournée vers les algues, qu'elle transforme en pailles comestibles et biodégradables en six à dix jours. L'entreprise a pour objectif d’offrir aux consommateurs un produit attrayant, non seulement par son empreinte carbone neutre mais aussi par son prix. Les pailles sont déjà distribuées au sein d’établissements partenaires tels que Marriott, Pernod Ricard et le Museum of Modern Art de New York.

Des matériaux durables et solides

Des palourdes aux crevettes, l’évolution a doté certaines créatures marines de caractéristiques qui les ont protégées pendant des millions d'années. Et que nous pourrions bien être amenés à reproduire :

  • La crevette-mante est pourvue de protubérances en forme de marteau si puissantes qu'elles peuvent aisément écraser crabes, coquilles et autres créatures marines à son menu. D’où lui vient cette force prodigieuse ? Tout simplement de la façon dont ces protubérances sont constituées : en couches organiques non pas empilées les unes sur les autres, mais tordues, de manière à absorber et dissiper l'énergie causée par les coups sans se fissurer. Des chercheurs de l'Université Purdue ont développé de nouveaux matériaux suivant la même structure et qui pourraient offrir une résilience inégalée à de nombreux secteurs comme le bâtiment ou l’aviation. Certains chercheurs pensent que cette technique pourrait même servir dans le cadre de la conception de gilets pare-balles...
  • Au Royaume-Uni, des scientifiques se sont inspirés de coquillages pour créer des matériaux de construction et des prothèses osseuses plus solides. Ils ont ainsi combiné des cristaux de calcite et des particules de polystyrène, créant un matériau capable d'absorber l'énergie et d'améliorer la durabilité.
  • Des ingénieurs allemands ont quant à eux trouvé un moyen de développer un ciment plus solide en s'inspirant des épines d'oursin. Bien qu’elles soient faites de calcite, un matériau assez cassant, ces dernières présentent une structure leur conférant une grande résistance : elles sont entourées de zones de carbonate de calcium, plus tendre, ce qui leur permet d’absorber les chocs et de ne pas casser. Les chercheurs ont trouvé un matériau susceptible d’adhérer aux particules de ciment et ont calculé qu'ils pourraient mettre au point un ciment entre 40 et 100 fois plus résistant que les mélanges actuellement utilisés.

Stockage d'énergie

L’exploitation optimale des sources renouvelables, souvent intermittentes, nécessite le développement de moyens innovants pour stocker l'énergie afin que celle-ci puisse être utilisée en cas de besoin. Dans ce domaine aussi, la mer est une source d'inspiration pour les scientifiques :

 
  • Les piles au lithium présentes dans nos appareils fonctionnent avec des solvants potentiellement inflammables et nocifs. Une équipe de chercheurs en ingénierie de l'Ohio State University a créé une batterie dont les solvants ont été remplacés par… de l'eau de mer. D’après eux, cette batterie aqueuse présente non seulement moins de problèmes en termes de sécurité, mais elle pourrait même présenter une durée de vie plus longue que celles utilisées aujourd’hui.
  • Parce qu'elles peuvent contenir de gros volumes d'énergie, les batteries à flux redox sont considérées comme essentielles pour stocker l'énergie obtenue à partir de sources renouvelables. Des chercheurs estiment avoir trouvé un moyen efficace de fabriquer ces batteries grâce à un matériau présent dans les carapaces de crevettes appelé chitine. Principalement constitués de déchets, matière première abondante, ces batteries offrent de bonnes performances à un coût très bas.